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Ma life sous toutes les coutures

VIP-Blog de cecilia-marava
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  • Créé le : 23/11/2006 02:40
    Modifié : 19/03/2007 02:09

    Fille (21 ans)
    Origine : jura
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    [ Le Royaume ] [ Le gothique ] [ Princesse Robert ] [ Poésie ] [ Arthélius ] [ Evanescence ] [ La magie ] [ Mes amis ]

    Saison 1 Episode 1: Renaissance

    25/11/2006 15:31

    Saison 1 Episode 1: Renaissance


     J’ouvris les yeux. Aussitôt, je voulus les refermer. Une douleur sans limite semblait avoir trouvé refuge dans tout mon corps. Etais-je tombé d'une falaise ou avais-je perdu connaissance en percutant Dieu seul sait quel obstacle ? Et surtout, pourquoi cette vision surréaliste de deux soleils dans un ciel qui n'avait rien de familier?
    J'ouvris les yeux à nouveau. C'est à cet instant que je vis la première fois les siens…
    - Doucement, mon Prince…
    Elle avait ce regard enchanteur qui plongeait dans le mien. J'en avais le souffle coupé. J'ignorais alors qu'il était déjà trop tard. Rien n'aurait pu changer cette fatalité : je lui appartenais.
    - Ne vous inquiétez pas mon Prince. Je ne vous veux aucun mal.
    Sa voix était claire et douce comme de l'eau de source. Sa peau si pâle avait la perfection de la plus belle étoffe de soie. Ses cheveux blonds scintillaient derrière une couronne de Lys. Pas de doute, cette beauté appartenait à un autre temps, à un autre monde. Le sol se dérobait sous mon corps : les deux soleils, ce ciel si étrange !.. Je comprenais enfin que je n'étais plus sur Terre ! Cette déduction si déroutante me fit presque oublier de lui demander pourquoi moi, qui ne me connaissait aucune filiation royale, me voyait soudainement affublé du titre de Prince.
    - Où suis-je ? Et pou… pourquoi m'appelez-vous ainsi ?..
    Chaque mot prononcé était autant de souffrance qu'aucun être vivant n'aurait pu supporter. Elle en avait conscience. Du plus beau des sourires, elle tenta d'esquiver les questions en prétextant qu'il y avait un temps pour toute chose, et que la priorité était d'accepter mon destin..
    - Suis-je mort et arrivé au paradis ?
    - Non Prince, vous êtes vivant, mais si peu. D'après les Mages, il vous reste quelques minutes à vivre. La métaportation a failli vous être fatale. Mais c'était un risque à prendre pour vous sauver. Je suis là pour vous donner une seconde chance.
    La réponse eut ironiquement l'avantage d'abréger mes souffrances : le choc de cette révélation avait l'effet d'un anesthésiant.
    - Respirez profondément, et de grâce, ouvrez votre esprit et laissez moi soigner votre cœur et votre âme. Ne laissez pas la suspicion et les doutes gangrener le processus de guérison. Mais pourrez-vous en accepter le prix ?
    - Devrai-je dan… danser avec le diable ?
    - Je ne suis pas le diable, répondit-elle d'un regard amusé. Cette seconde chance que je peux vous offrir s'apparente à une renaissance : vous oublierez… Vous oublierez votre vie passée, vos expériences, vos souvenirs. Il vous restera la mémoire des mœurs, de la culture, et des coutumes humaines. Mais en ce qui concerne votre identité, elle vous sera à jamais arrachée. Êtes-vous prêt à y renoncer ?
    D'un mouvement de la tête, j'acquiesçais. Elle prit mes mains dans les siennes. La douceur de la peau que j'imaginais quelques instants plus tôt se confirmait au contact de ses paumes. Si je n'étais pas mort, j'étais déjà au paradis. Ses mots raisonnaient en moi… Ouvrir mon esprit, croire, garder confiance… Et pourtant, j'avais toutes les raisons de douter, ou du moins de céder à la panique : il est rare pour un être humain d'assister au rituel qui suivit. De ses lèvres, des milliers d'étoiles semblaient s'échapper avant de tourbillonner autour de moi. Sa peau s'illumina au point de devenir presque aveuglante. Un vent froid détacha ses cheveux. A ma grande stupéfaction, je réalisais que ce vent était provoqué par le battement de ses ailes… Ma providentielle guérisseuse était donc un ange ?! Combien de temps dura le rituel ? Une minute, une éternité. Je perdais pied. Mes derniers souvenirs s'effaçaient. J'avais accepté le marché mais au fond de moi, ma conscience luttait pour me souvenir au moins de mon prénom. La résistance fut inutile…
    Le rituel prit fin. J'étais devenu un autre homme, plus vivant que jamais. Une force nouvelle grondait en moi… L'ange tomba sur ses genoux. Je m'empressais de lui porter secours, quand une voix aux relents de souffre se fit entendre.
    - Humpfff…Tu pourrais au moins la remercier, étranger ! Sally vient de te donner une partie de sa vie. Un sacrifice dans une pure tradition ! Pour te sauver, elle a écourté volontairement sa propre espérance de vie.
    Je cherchais un court instant d'où venait la voix. C'est en levant la tête que je l'aperçus.
    - Juste Ciel ! Un dragon…nain !?
    - Un peu de respect, étranger ! Je ne suis pas un nain, mais un Dragalion. Une variante plus subtile, et surtout plus intelligente que mes confrères géants… Et doté de la parole !
    - Et qui de toute évidence, ne l'a pas dans sa poche, lui rétorquais-je, tout en relevant Sally.
    - Merci Prince. Ne vous offusquez pas des propos de Déziel. Son espèce est pragmatique et dépourvue de diplomatie. Mais il a avantage d'avoir une mémoire d'éléphant, et c'est un allié de taille en dépit des apparences.
    - Vous avez fait mine de ne pas entendre mes questions tout à l'heure. Sally, que m'arrive-t-il ? Et où suis-je ?
    - Prince, vous êtes aux portes d'Arthelius. Les mages vous ont métaporté ici, dans notre Royaume, dans un but bien précis. Notre monde est en guerre, et de l'issue de ce long conflit, dépend le sort du monde. Votre rôle dans cette guerre est prophétique. Et je…
    Son visage s'était éteint. Quels drames avait-elle vécut ? Tout son être transpirait à cet instant précis, d'une infinie tristesse. Je ne pouvais croire un seul instant à mon rôle dans cette histoire.
    - Le sort du monde ?
    - La jeune Sally n'ose pas te le dire, car l'ombre de la honte est portée sur son peuple : c'est une guerre entre les anges, qui a lieu ici. Etranger, tu dois comprendre que notre royaume est peuplé de créatures légendaires : Elfes, Muses, Dragons, Trolls, Oracles, Elokampes, Anges et bien d'autres partagent ce royaume. Depuis de nombreuses années, un être humain régnait sur nos terres : notre Roi Phileas. Mais depuis sa disparition les Anges ont revendiqué le pouvoir. Du moins une partie des Anges.
    - Les Archanges, précisa Sally.
    - Anges, Archanges, c'est de la même famille pour moi. Sally en sait quelque chose n'est-ce pas ? dit-il ironiquement. Bref, les Archanges ont décrété que les humains étaient indignes de ce pouvoir, et qu'il était temps de revendiquer Arthelius comme étant leur royaume. Le hic, c'est que la prophétie ancestrale annonce la fin de toute vie, le jour où un Archange se proclamera souverain. Humpfff…Les Anges ont refusé de suivre les Archanges. Et les conflits diplomatiques se sont transformés en batailles et affrontements d'une rare violence. Certains Archanges ont formé des escadrons de l'extrême. Ils reprochent aux Anges de défendre les humains, qui sont à leurs yeux des créatures inférieures.
    - Prince, vous devez nous aider à mettre fin à cette folie. Un Archange n'a pas le droit de vie ou de mort sur un Ange. Mais pour nous punir de prendre partie pour les humains, les escadrons nous capturent, et rognent ou amputent nos ailes !.. Trop de sang a déjà coulé sur nos terres.
    - Humpf… Ainsi, Ils veulent donner l'exemple. Mais toute cette violence reste irrationnelle. Les Archanges n'étaient pas violents avant la disparition du Roi. Les Anges et humains vivaient en harmonie.
    - Un mal s'est réveillé dans les terres du royaume. Un mal ancestral que nous pensions avoir éliminé il y a fort longtemps. Ce mal se propage comme un virus, et les Archanges sont les premiers touchés… Si jamais ils arrivent à Sanctuary, je crains que…
    - Sanctuary ?
    - C'est le nom du Château qui se situe au cœur du royaume. Humpf… Et ce Château est lié à tout ce qui vit. Celui qui y règne possède un pouvoir sans limite. Imagines ce qu'il en deviendrait si toute cette puissance tombait dans de mauvaises mains… Heureusement, tant que les Archanges n'auront pas retrouvé l'épée de Cléador, ils ne pourront pénétrer dans la salle du Trône. Et le dernier à l'avoir eue en sa possession est Phileas, notre Roi. Nous devons donc devancer les Archanges. Si tu retrouves Phileas, tu devras le protéger et le ramener sain et sauf à Sanctuary. Si le Roi est mort, ton devoir sera de retrouver son épée, et assumer son rôle.
    Je ne savais plus quoi penser… Je venais à peine de renaître que mon cerveau devait gérer une foule d'informations surréalistes et pour le moins déconcertantes : je devais soudainement sauver un Roi, son Royaume, et le sort de l'univers ?
    - Mais pourquoi moi ? Je ne connais rien de ce royaume, de cette guerre… En quoi suis-je si utile ? ! S'il le faut, je vous aiderai, mais je ne veux pas de ce pouvoir…
    - C'est pour cette raison que vous avez été choisi mon Prince… Seul un humain qui ne le veut pas doit obtenir le pouvoir. Car toute créature qui veut le pouvoir finit par en abuser… C'est pour cela que seul un être vivant qui s'en désintéresse peut régner ici. Et vous avez une raison supplémentaire de vouloir retrouver le Roi sain et sauf… Car c'est votre père…







    Saison 1 Episode 2: Révélations

    25/11/2006 17:50

    Saison 1 Episode 2: Révélations


    Sally venait de prendre son envol. Avouant un besoin vital de chevaucher les airs, elle m'offrait par la même occasion, un spectacle de toute beauté… Y avait-il plus belle vision que de la voir flotter dans les airs, tourner et virevolter ? Je ne pouvais plus détacher mes yeux de peur de perdre le moindre détail de cette balade aérienne. De sa robe ondulait de grands voiles, entre lumière et transparence… Ils semblaient accompagner le moindre de ses mouvements. Mouvements qui étaient l'incarnation même de la grâce et de la beauté. Je retins mon souffle : moi, cloué sur terre, je l'imaginais prendre ma main et me hisser jusqu'au ciel, pour un voyage sans fin… J'essayais de deviner la douceur et la pureté de l'air, à cette hauteur. Un silence apaisant devait sans doute y régner … Je comprenais alors les motivations de Sally. Voler n'était pas seulement un exercice pour se dégourdir les ailes, mais une réelle nécessité : là haut, dans les cieux, le poids de notre mission pouvait enfin disparaître un court instant, remplacé par la légèreté et le semblant d'insouciance que je ne connaîtrai jamais. Mon corps me parut bien lourd et gauche soudainement. Chacun de mes pas sur cette terre mystérieuse avait la gravité de la pesanteur. Il faut dire que nous marchions depuis des heures. Ma force nouvelle était-elle mise à l'épreuve ?
    - Pourras-tu tenir la distance, Etranger ? Me demanda Déziel. Non pas qu'il fut soucieux de ma santé ou bien être… Son esprit pragmatique l'amenait à me tester. Comment aurai-je pu lui en vouloir de remettre en question mon rôle prophétique, alors que j'étais moi-même rongé par le doute et l'appréhension…
    - Je n'en suis pas certain. Sommes-nous encore loin ?
    - Nous sommes presque arrivés. La Poétesse que nous devons rencontrer, habite au sommet de la montagne blanche.
    Déziel n'était pas une créature avenante. Sa froideur et son manque de courtoisie n'appelaient pas à la discussion. Je l'imaginais encore moins en train de s'épancher sur mes doutes et angoisses. Pourtant il fallait que je lui pose la question :
    - Pourquoi allons-nous rendre visite à cette femme ?
    - La Poétesse est bien plus qu'une femme. Elle est un miroir sur l'avenir. Ses écrits ouvrent les portes du futur à celui qui pourra les comprendre. Depuis des années, elle recueille ses visions les plus prophétiques sous forme de poèmes. Si tu es celui que Sally croit, à savoir notre Prince, il devrait y avoir un poème te concernant. Nous devons donc consulter son Livre Des Révélations. C'est la première étape à notre quête de l'épée de Cléador.
    - Tu l'as déjà rencontrée, cette Poétesse ?
    - Humpf… Le Roi Phileas l'a déjà consultée. Sally et moi ne l'avons jamais vue.
    - Comment allons nous la reconnaître alors?
    - Ce sera plus simple qu'il en parait. Elle est à la seule à avoir élu domicile au sommet de la montagne blanche. Personne d'autre n'y vit. Pas d'humain, pas le moindre Ange, et fort heureusement pas le moindre Archange. Excepté celle de la Poétesse , nous y trouverons aucune habitation, même abandonnée. A part quelques plantes, l'endroit est désertique.
    - C'est une montagne enneigée ???
    - Non, loin de là, c'est une montagne composée de rochers, aussi blancs que purs. Son sommet est immaculé.
    - J'imagine que vous ne connaissez pas les joies du ski ? Je réalisais aussitôt le ridicule de ma question. Au plus profond de moi, dans ce monde qui était si loin du mien, je m'accrochais à mes repères terriens… Je cherchais à me rassurer, à me convaincre que cette planète n'était pas si différente de la mienne. Mais de là à penser que les Dragalions pouvaient faire du ski… Je me retrouvais confus et honteux. Ce raisonnement était indigne d'un soit disant héros prophétique.

    A ma surprise, le Dragalion prit ma question au sérieux.
    - Non, me répondit-il. D'autant plus qu'à l'opposé de votre terre, nous ignorons les joies de la neige en général… Arthelius ne connaît pas les saisons. Humpf… Ni printemps, ni hiver. . Notre royaume est cependant composé de plusieurs terres distinctes. Entre autres, Melkior, la terre du château, Maltavere, une terre ou les créatures les plus dangereuses ont élu domicile, et Frozine, la terre de glace.
    - Mais Déziel, vous connaissez donc le froid, la glace et le verglas !
    - Très peu de créatures prennent le risque de s'aventurer à Frozine. C'est une terre qui n'a rien de naturel. Elle a été forgée, il y a fort longtemps, par un sorcier très puissant. Le rituel de création lui demanda tellement de force et d'énergie, qu'il en périt. La légende veut que la glace et la neige en aient conservé son essence magique. C'est une terre en constante évolution. Celui qui s'y hasarde trop longtemps, en ressort à jamais transformé par cette essence magique. Et personne ne peut savoir si le changement en sera bénéfique. Mais cessons là les bavardages pour aujourd'hui... Concentrons-nous sur notre but. Nous devons arriver impérativement chez la Poétesse avant la tombée de la nuit. D'ailleurs, je vais relayer Sally dans les airs. Sa petite balade a duré suffisamment longtemps. Il est de mon rôle de partir en éclaireur, afin de nous assurer qu'il n'y a pas de danger devant et derrière nous.

    Sally posa pied sur la terre ferme. Amusée, et sans doute habituée du caractère particulier de Déziel, elle me demanda s'il n'avait pas été trop rude avec moi.
    - Ne vous inquiétez pas. Il me faut plus que l'humeur d'un Dragalion pour me démoraliser. Je mentais. J'avais envie d'y croire. De croire que j'étais fort et courageux. Croire que je n'avais pas peur de ce qui nous attendait.
    - Je sais que Déziel n'est pas fort sympathique au premier abord, me dit-elle. Mais quand on s'y habitue, on comprend que c'est son seul mode fonctionnement. Il veille sur moi depuis que je suis enfant.
    - Depuis votre enfance ?
    - Oui… La joie de Sally laissa place à un sourire nostalgique. Quand j'étais petite, mon grand frère était la personne la plus importante de ma vie. Nous étions si complices… Il passait des heures à me raconter ses péripéties. C'était un aventurier, toujours prêt à découvrir l'inconnu, à dépasser nos frontières et conquérir le monde. Un jour, il est revenu avec Déziel… Et me l'a offert afin qu'il puisse veiller sur moi, au cas où les choses tourneraient mal pour lui. Son regard s'assombrit. Elle avait les larmes aux yeux. Déziel me protège et m'écoute. Il est à la fois mon meilleur ami, mon allié, mon confident. Sa mémoire infaillible fait involontairement de lui mon archiviste. Mon journal intime en quelque sorte. Il connaît tout de ma vie. Et pourtant, il est aussi froid et distant qu'au premier jour. Parfois, il me fait même un peu peur…
    La tristesse soudaine de Sally que suscitait l'évocation de son frère me peinait sincèrement. Je voulais à tout prix lui changer les idées. J'aurai tant aimé lui faire retrouver son sourire, si radieux, si touchant… Je cherchais alors un sujet de conversation superficiel, léger. Et c'est avec la plus grande des maladresses que j'échouais, en remplaçant un sujet grave par un autre.
    - Sally, je ne peux ôter de mon esprit la remarque de Déziel, concernant votre rituel de résurrection… Il a parlé d'une espérance de vie écourtée. Qu'avez-vous sacrifié pour moi ? Rassurez-moi, vous allez encore vivre très longtemps ? !

    Heureusement, ma question saugrenue et naïve à la fois suscita chez l'Ange un sourire remplit d'humilité
    - Je ne vous ai pas ressuscité, mon Prince. Je n'en ai pas le pouvoir. Je vous ai retourné la vie qui était en train vous quitter. Si votre âme avait abandonné votre corps, il aurait été trop tard pour vous... Non, je n'ai pas le pouvoir de redonner la vie à ceux qui meurent, hélas. Sur ce dernier mot, son regard s'envola très loin de moi, vers un songe, un regret, un sentiment de perte que je ne pouvais comprendre… Seul le Phénix, le peut…Faut-il encore le trouver ! Dit-elle, émue et amère.
    - Humpf ! Ce n'est qu'une légende Sally. Le Dragalion était revenu de son repérage. Tout le monde parle du Phénix, et personne ne l'a jamais vu. Ceux qui affirment le contraire sont de simples démens en mal d'existence. Et ceux qui sont partis à sa recherche n'en sont jamais revenus.
    - Je refuse de croire cela… Je suis certaine que si j'en avais eu la force, le courage, j'aurais affronté les terres de Maltavere pour le trouver. Mais je suis un Ange, et quand on est Ange, on sait protéger les autres, veiller sur eux, leur donner aide et soutien…Mais on ne sait pas se battre, dit-elle, la tête baissée, avec un profond regret dans la voix.
    - Tu oublies surtout que tu n'en pas les moyens Sally. Humpf… Tu es sans défense face à l'adversité.
    - Vous aviez raison Sally, Déziel est vraiment dépourvu de diplomatie. Chez nous, à ce stade, nous appelons cela de la grossièreté, lui dis-je, tentant de la sortir de ses sombres pensées.
    - Les Anges sont ainsi. Des êtres bienveillants, qui face au danger, n'ont d'autre recours que de prendre leurs ailes à leur cou, et de fuir le plus vite possible.
    - Ne dites pas cela Sally. Vous êtes courageuse ! Il ne peut pas en être autrement ! Sinon, auriez-vous sacrifié une partie de votre vie pour sauver la mienne ?? Pour cela, je vous en serai reconnaissant éternellement…
    - Qu'est-ce que l'éternité pour un être humain ?
    Elle marquait un point… En même temps, je pris conscience que l'âge de ma bienfaitrice m'échappait. Une chose était certaine : j'étais jeune, je devais avoir 20 ans au maximum. Sally en paraissait dix huit. Dix neuf au mieux. Mais pouvais-je me fier aux apparences ? Je ne savais strictement rien de Sally. En avait-elle vingt, deux cents, ou mille ans ? Comment savoir ? Après tout, le rituel qui m'avait sauvé la vie, avait dans le processus détruit mes souvenirs et mon identité. Comme c'était pratique : j'étais comme une page blanche, livré à une complète inconnue. Elle pouvait donc me manipuler à son aise, et me mener là où elle le voulait, sans que je puisse le moins du monde m'en rendre compte. Après tout, pourquoi aurais-je dû la croire, quand elle affirmait que Phileas, le Roi disparu, était mon père. N'était-ce pas un stratagème afin de s'assurer que je ferai tout pour les retrouver, lui et l'épée ? J'essayais au mieux de ne pas laisser les doutes m'envahir… A défaut d'éléments de réflexion, je décidai de suivre les désirs de mon cœur. Et mon cœur me demandait de lui faire confiance…
    - J'espère que ma remarque ne vous a pas décontenancé, Prince. Ma question n'appelle aucune ironie. Je suis un Ange, et votre conception humaine du temps m'échappe. Nos différences sont nombreuses. Comme vous l'avez sans doute remarqué, notre monde est régit en fonction des levés et couchés de soleils, et la différence de votre monde, nous en avons deux…
    - Nos soleils se relayent, nous apportant la lumière presque continuellement. Nos nuits sont très courtes. Et cela est préférable, s'exclama Déziel ! Les créatures qui se réveillent au crépuscule sont redoutables et sans pitié, humpf… Une fois sortie dans la nuit, ces créatures sont de terribles prédateurs. De purs stratèges, pourvus d'une grande intelligence. Mais pour une raison que nous ignorons, ils n'attaquent qu'en extérieur. C'est pour cette raison que nous devons arriver chez la Poétesse avant la tombée de la nuit, afin de lui demander hospitalité jusqu'au levé du jour.
    - Mais nous n'avons rien à craindre ici, Déziel. Tu m'as confié il y a un instant, qu'aucune créature vivait au sommet de la montagne.
    - Aucune créature vivante, précisa-t-il…

    Après un long parcours, nous apercevions enfin la maison de la Poétesse. Sa structure anarchique mais splendide, était composée d'arbustes qui semblaient très jeunes et robustes. Le feuillage épais de certaines plantes faisaient à la fois office de murs et de toit. Quelques fleurs enjolivaient l'humble demeure, en y apportant une touche de féminité… Nous étions à mille lieux des habitations classiques. Un édifice y était dressé sur la gauche. C'était une grande croix en pierre taillée, ornée d'un joyau rouge.
    - Pourquoi est-elle venue vivre ici, loin de tous ?
    - Parce que son don fait sa malédiction. Me répondit sally. L'histoire veut que sa première vision prophétique fut la mort de l'amour de sa vie. Au début, elle prit cela pour un mauvais cauchemar. Puis la vision se faisant persistante, elle tenta de changer le destin, de rompre avec l'idée de fatalité. Elle mit tout en oeuvre pour sauver la vie de son homme. Malgré ses efforts, le destin reprit son dû. Son tendre et doux amour perdit la vie dans ses bras... Au-delà du choc de cette terrible perte, elle comprit que ses visions ne pouvaient être détournées. Elle voyait l'avenir, mais ne pouvait en aucun cas le changer. Comment vivre avec les autres après cela ? Comment pouvoir aimer à nouveau, s'entourer d'amis, avoir des enfants ? La terreur de s'attacher, en sachant qu'à n'importe quel instant elle pouvait connaître le sort de ses proches, lui était insurmontable. Elle trouva refuge dans la solitude et la poésie… Avec pour seule compagnie, la dépouille de son amour perdu. Cette croix orne sa tombe.
    - Humpf... Ne perdons pas de temps, Sally. Il nous faut le laisser face à son destin. Entre donc, étranger. Nous te rejoindrons quand la Poétesse en aura terminé avec toi…

    Je m'exécutais. Une fois à l'intérieur, je m'attendais à un discours pompeux, aussi court soit-il. J'imaginais qu'elle allait m'accueillir à coup de " Je vous attendais ", ou autre effet théâtral du genre. Il n'en fut rien. Elle était assise, sereinement. Elle me regarda, ouvrit le Livre Des Révélations, et se mit à réciter le poème qui m'était destiné.

    Le frère et la sœur
    Ennemis et amis
    Quand le choix du cœur
    Fait perdre les esprits

    Liquoreux et rouge,
    Il coulera encore
    La pierre animée
    lui brisera le corps

    Armes et larmes se mêlent,
    Une terre sans soleil
    Le froid qui y règne,
    Lui rendra ses ailes

    Le feu fera fondre
    Sa mort et sa tombe
    La guerre y trouvera
    Son plus grand soldat…

    - Mais quel rapport avec l'épée Poétesse ??? Lui demandais-je, certain de rien y comprendre, et persuadé que ma question essentielle allait m'apporter un début de réponse… La Poétesse tenait le livre ouvert, près de sa poitrine. Elle reprit la lecture, comme si elle ne m'avait point entendu.

    Le regard humain
    Ne porte pas très loin
    L'archange aguerri
    En fait son profit
    Ce n'est pas un lieu
    A portée des yeux
    Le chemin est…

    - Attention !!! Hurla Sally depuis le perron de l'habitation.
    Le regard précis de l'Ange blond avait su saisir un danger qui m'échappait. A peine eut-elle crié, qu'une flèche enflammée se planta dans le livre des révélations. Elle traversa le cuir de sa reliure, le papier jauni de ses pages et termina son parcours dans la poitrine de la Poétesse. Le livre prit feu aussitôt, perdant ainsi les indices indispensables à notre quête… Je n'avais pas le temps de m'en soucier. Je devais réagir face à une situation hautement délicate : arracher la flèche et lui risquer une hémorragie mortelle, ou regarder la Poétesse brûler vivante sous nos yeux. En fait, je n'avais pas le choix. D'un geste sur et rapide, je retirai l'objet acéré et brûlant de son thorax, pour le jeter, loin d'elle. Le livre enflammé y était toujours accroché, comme une proie misérablement harponnée. La Poétesse hurla de souffrance. J'aurais tant voulu la sauver. Mais j'avais une autre priorité : protéger Sally ! Je me précipitai à l'extérieur. L'archange qui avait tiré la flèche ne tarda pas à se présenter. C'était un éclaireur. Malheureusement, il n'en était pas moins guerrier pour autant. Je n'avais aucune arme, aucune expérience. Mais étrangement, j'étais à mon tour, prêt à sacrifier ma vie pour Sally. L'Archange me lança un regard diabolique et satisfait. En un éclair Déziel se précipita sur la croix du défunt. Je n'aurais pas cru un instant que la petite créature qui nous accompagnait, était capable de ce qui allait suivre. Le Dragalion ouvrit la gueule, affichant ses dents aiguisées… Ses yeux jaunes brillaient de tout feu, ses écailles se hérissaient, tel un poison de combat. L'Archange se tourna vers lui. Je ne comprenais pas la tactique de Déziel. Il aurait très bien pu prendre l'Archange à la gorge. Au lieu de cela, il oscillait la tête de gauche à droite, donnant de grands coups de gueule sur la croix. Le bruit crispant de ses dents sur la pierre me donnait la chair de poule. L'Archange lui, comprenait avec terreur ce qu'il se passait, il saisit une flèche de son fourreau, mais il était trop tard. Un jet de flamme jaillit de la gueule de Déziel, faisant mouche aussitôt. L'archange poussa un cri strident, proche de celui d'un aigle royal. Par réflexe, il prit son envol. Mais le feu dévorait déjà ses ailes… Le regard de Sally illustrait sa peur concernant Déziel. Une Peur qu'elle évoquait quelques minutes avant. Elle avait déjà dû assister à ce genre de situation… Par le passé, le Dragalion l'avait certainement protégée des divers prédateurs. Mais c'était sans doute la première fois qu'il attaquait un Archange… Ce dernier tomba du ciel comme une comète. Il était bel et bien mort. L'odeur qui se dégageait de son corps me fit honteusement penser à celle d'un poulet trop cuit.
    - La maison de la Poétesse a pris feu ! Me prévint Sally.
    Je me précipitais à l'intérieur, en dépit de l’incendie. Je pris la jeune femme dans mes bras, afin de la sortir des flammes.
    - Non, me supplia-t-elle. Laissez-moi ici.
    - Pourquoi Poétesse, pourquoi…
    - Je savais que j'allais mourir aujourd'hui, et croyez-moi, je… je ne suis pas triste… j'étais plus… plus qu'impatiente à l'idée d'être enfin libérée de… mes visions… de… ce fardeau…
    -Malgré mon immense compassion, je l'interrogeais sur notre devenir.
    - Le livre est détruit, dites-moi ce que je dois- faire. Où devons-nous aller à présent ??
    - Ce n'est pas un lieu…me répétait-elle. Ce… n'est pas un lieu… Ce n'est pas…
    Alors que les flammes dévoraient peu à peu sa maison, la voix de la poétesse s'éteignaient à jamais.
    - C'est fini Prince, on ne peut plus rien pour elle, me dit Sally. Prince, vous m'entendez ? Nous devons fuir immédiatement! J'entends les trompettes de l'escadron ! Les autres Archanges vont arriver dans un instant !!
    - Humpf… Entre leur supériorité numérique, leurs armes et leurs aptitudes au combat, nous n'aurons aucune chance. Mais nous avons un autre problème de taille ! La maison de la poétesse était le seul abri de cette montagne, et…
    - Oh non, s'écria l'Ange blond, la nuit tombe ! Nous sommes perdus !!!






    Saison 1 Episode 3: Feralis Invictus

    25/11/2006 18:02

    Saison 1 Episode 3: Feralis Invictus


    - Je crois bien que nos beaux jours sont derrière nous… Soupirais-je.
    - Qu’est-ce qui te fait dire cela étranger ? Le fait qu’un escadron d’archanges soit à nos trousses ? Que la nuit tombe ? Que le seul abris à notre portée a été détruit et que de surcroît, nous n’avons aucune arme ? vociféra ironiquement le dragalion dans un soupire de souffre et de fumée.
    - Déziel, tu viens de réduire un archange à l’état de cendres. Chez nous, un lance-flammes peut être considéré comme une arme !
    - Je ne peux le faire qu’une fois par jour. Le créateur a doté notre espèce du don de la parole, d’une mémoire exceptionnelle et de vi... Le dragalion, embarrassé, se tût aussitôt sans terminer sa phrase, puis il reprit : Humpf… Je crains qu’en contrepartie, il nous ait donné des limites physiques. Mais l’instant est mal choisit pour discuter « origines et anatomie » !
    - Il a raison mon prince, s’exclama Sally, la rage au cœur. Nous devons fuir. Le premier soleil vient de se coucher, le second ne va pas tarder à le suivre. Les créatures qui se réveillent, la nuit tombée, ne nous laisseront aucune chance.
    La voix de Sally devint plus sombre, telle une onde de colère et d’amertume que nul ne pouvait ignorer. A ce sentiment, se mélangeait une crainte certaine, qu’elle tentait de dissimuler… Alors que nous courrions pour échapper à l’escadron, je ne pouvais pas m’empêcher de prêter attention à l’ange blond. Je la connaissais depuis peu, mais aussi étrange que cela puisse sembler, je la « ressentais ». Un peu comme si je l’avais connue depuis mon plus jeune âge. Etait-ce là le fruit de mes fantasmes ou l’écho lointain d’un souvenir délavé ? Comment le savoir, quand la mémoire fait défaut ? Le rituel qui m’a sauvé la vie avait, dans le processus, effacé mon identité. J’ignorais tout de mon parcours, de mon vécu. Néanmoins, je me sentais proche de Sally. Ce rituel m’avait-il lié à ma bienfaitrice à jamais ? Ou était-ce simplement la magie de… l’amour !?? Plus curieux que jamais, je lui demandais :
    - Parlez-moi de ces créatures, Sally. J’ai besoin de comprendre ce que nous allons affronter.
    - Ce sont des feralis… Nous les appelons aussi les non-vivants.
    Les mots de Sally eurent le don de me glacer le sang. Si seulement cela avait pu atténuer ma souffrance : la paume de ma main droite était brûlée et j’avais sous estimé la douleur que la flèche de l’Archange pouvait causer.
    - Il faut rebrousser chemin !
    - Tu veux notre mort étranger ? rétorqua le dragalion. Nous allons sans doute trépasser ce soir, mais ce n’est pas une raison pour faciliter la tâche de nos ennemis !
    - Tu ne comprends pas Déziel ! C’est avec une flèche que l’archange a tué la poétesse. Son bout était enflammé mais son corps brûlant, lui, était en métal ! Avec un peu de chance, je vais pouvoir récupérer son arsenal et le retourner contre eux ! Qu’ils soient archanges ou feralis !!!
    - Saurez-vous utiliser un arc ?
    - Mieux que moi, vous vous doutez bien que je ne peux m’en souvenir Sally… Mais croisons les doigts. C’est l’occasion de s’en assurer ! Et si je suis bien le héros prophétique que vous croyez, je devrais m’en sortir comme un chef, non ?
    - Laissez-moi chercher cet arc. J’irai bien plus vite que vous, en volant.
    - Sally, non ! Nous ne devons pas nous séparer !
    L’ange me sourit, mon cœur chavirait plus que jamais…
    - J’ai fait mon choix, mon prince.
    Elle prit son envol, avec toute la majesté qui lui est propre. Sur terre, Sally était une très belle femme. Dans le ciel, elle était encore plus belle. Elle prenait alors une dimension divine, inégalée. Comme si la pureté de ses traits, de ses courbes et de son visage se révélait tout particulièrement lorsqu’elle volait. Je tremblais à l’idée qu’il puisse arriver malheur à tant de beauté…
    - Etranger, aie confiance. Sally est une experte dès qu’il s’agit de voler. Elle est plus rapide que nous tous, ici. Continue de courir, elle n’aura aucune difficulté à nous rattraper.
    - Mais alors… Je la ralentis ! Juste ciel ! Il faut me laisser ici !
    - Humpf… Hors de question. Tu dois vivre.
    Je « dois » vivre. Le mot était bien choisi. Le dragalion me rappelait ainsi tous mes devoirs : une prophétie annonce la fin de toute vie, le jour où les archanges prendront possession de l’épée de Cléador. Ma mission est de la retrouver avant eux. Je ne peux faillir, quel qu’en soit le prix. Que le ciel fasse que ce prix ne soit pas la vie de Sally. Je ne pourrai pas le supporter. Je pourrai encore moins me le pardonner. Mais dans l’immédiat, mes craintes n’avaient plus de raison d’être. Sally était de retour avec l’arc… et l’armure de l’archange défunt !
    - Vite mon prince ! L’escadron arrive !
    Effectivement, à peine eu-je le temps d’enfiler l’armure, qu’une nuée d’Archanges pointa à l’horizon. On aurait dit une migration d’hommes oiseaux, vêtus de noir et d’argent. Combien étaient-ils ? Une dizaine ? Un peu plus peut-être… Je me concentrais et ouvrais grand les yeux. Tous mes sens étaient en alerte. Je sommais Sally de se cacher derrière moi. Déziel, lui, restait dans les airs, impassible. Je me demandais pour quelle raison il ne démontrait aucun signe d’angoisse. Peut-être n’éprouvait-il rien. Ni peur, ni joie, ni compassion…
    Je pris une des flèches, banda mon arc. Prêt à tirer, j’espérais encore une possible négociation. En vain. Un des archanges tira le premier. Et quelle que fût sa cible, elle était manquée… Je n’allais certainement pas m’en plaindre ! Tout en retenant mon souffle, je tirai à mon tour. Ma flèche fit mouche, traversant l’épaule d’un des archanges. Le choc le fit perdre son équilibre, avant basculer dans une chute, sans doute bien plus grave que le coup que je venais de lui porter. Yawoow ! Criai-je intérieurement… Peut-être étais-je bien ce héros que je ne pensai pas être. L’escadron opta pour une position plus stratégique. Deux archanges avançaient face à moi, tandis que deux groupes de quatre s’écartaient à gauche et à droite.
    Ils nous cernaient, sachant qu’il m’était impossible de gérer ces trois groupes à la fois. Je lançai alors une deuxième flèche. Elle disparu dans le ciel, sans jamais les toucher.
    Je me tournais légèrement en en lançant une troisième, tout aussi inefficace. Quelle calamité ! Je gaspillais ainsi nos munitions… Sally poussa un cri étouffé. Je me retournais avec désolation et inquiétude. Inquiétude pour l’ange blond. Désolation car je comprenais trop bien que nous avions déjà perdu. Un des archanges s’était posé et l’avait capturée. La main posée sur sa bouche, il l’empêchait de pouvoir prononcer le moindre mot. Je sentis à cet instant la pointe aiguisée d’une flèche contre ma nuque.
    - Ne bouge pas ! ou tu risques de le regretter amèrement!
    Alors que ma fin semblait proche, Sally était mon unique préoccupation.
    - Laissez la partir. Elle est des vôtres…
    - Nous savons très bien qui elle est. Pour quelle raison devrions-nous faire exception et la laisser filer ? Un Ange qui se rabaisse pour un humain ne vaut pas mieux qu’un humain. En choisissant de prendre ton parti, elle s’est exclue de notre élite. Elle en connaît les conséquences… Elle en perdra ses ailes.
    - Non !!! Vous ne pouvez pas lui faire cela !! Prenez ma vie, mais laissez-la, je vous en prie ! Suppliai-je, tout en regardant Sally. Le désespoir dans les yeux, elle remuait la tête pour me dire « non ».
    - Nous n’allons pas prendre ta vie, car tu vas nous être très utile, me dit l’Archange en riant. Mais avant, nous devons partir. La nuit tombe.
    - Elle est déjà tombée, imbécile...
    Une voix caverneuse, tout droit sortie d’outre-tombe. Alors que le sol se mit à trembler sous nos pieds, j’aperçus l’invraisemblable créature qui venait de prononcer ces quelques mots. Il portait une sorte de long manteau de cuir noir, qui accompagnait sa silhouette anguleuse et ses épaules légèrement pointues. Son visage était ténébreux, inquiétant et hypnotisant.
    - Mon nom est Lerival, dit la créature à l’archange.
    - Un feralis ! Tous en formation !!!
    En un éclair, la créature se jeta au cou de L’archange. Tout en s’agrippant à lui, le feralis déploya ses ailes. Etait-ce un ange déchu ? Non. Ses ailes ne ressemblaient en rien à celles d’un ange. Alors que la pénombre rendait l’horrible spectacle difficile à discerner, les cris de l’archange révélaient néanmoins la violence des coups que le feralis lui portait.
    Le sol tremblait de plus belle, s’ouvrant devant les yeux terrorisés des archanges. Une cinquantaine de feralis sortirent de la brèche, dans un nuage noir, plus sombre encore que la nuit même. La panique s’empara de l’escadron. Certains tentèrent de fuir, d’autres prirent les armes. L’archange qui tenait Sally lâcha prise. Elle lui donna un cou de coude au visage et se précipita vers moi…
    - Qu’allons-nous faire Prince ?
    Alors que le chaos, les hurlements et les cris rendaient la situation insoutenable, alors que je croyais goûter à l’enfer, alors que je croyais vivre mes derniers instants, la voix de Sally m’apparut comme un doux songe. Un songe réconfortant… Je lui pris la main.
    - Nous allons nous battre jusqu’à la fin, mon ange…
    Elle me sourit, plus déterminée que jamais.
    - Très bien…
    Dos à dos, nous nous protégions. Sally se servait à deux mains d’une flèche, comme s’il s’agissait d’une petite lance. De mon côté, je repris l’arc. Entre la pénombre, la vitesse des feralis et des archanges, je n’en touchais aucun. Pour piètre consolation, je n’avais pas le souci de blesser un allié par accident. Que ce fut un feralis ou un archange, une flèche qui pouvait faire mouche était une flèche bénie ! Très vite, j’épuisais toutes les flèches. J’étais démuni. Alors que les archanges tombaient un à un, un groupe de feralis s’approcha de nous. C’était la fin.
    - Laissez les tranquilles ! Commanda Lerival.
    Ce dernier avait une allure plus classieuse et plus humaine que ses congénères. Il leur était supérieur, à tous les niveaux. Je comprenais, aussi loin qu’on puisse comprendre la hiérarchie d’une telle espèce, qu’il était en quelque sorte leur chef. Il se posa sur la terre ferme, et marcha lentement vers moi. Me voulait-il pour lui ? Voulait-il ma vie et mon âme ? Il prit mon visage dans sa main, pencha sa tête sur le côté. Ses yeux se mirent à briller dans la nuit. Il approcha son visage du mien, renifla mon odeur, ferma les yeux.
    - Tu n’es pas de ce monde… Chuchota-t-il à mon oreille. Tu as fait un long voyage et tu es arrivé ici il y a peu. Je connais ton odeur. Elle ressemble à celle du Roi. Je sais qui tu es…
    - Et toi tu es mort ! Cria Sally, tout en lui plantant la flèche dans le cœur.
    Le feralis recula d’un pas. Son visage était crispé…
    - Ah… Sally, toujours la même. Tu devrais quand même savoir qu’il est très difficile de m’éliminer.
    - Difficile, mais pas impossible ! Un jour, tu paieras pour tes crimes !
    - Tttt… Il est temps que tu redescendes sur terre, petit ange. Tu n’as rien pu faire contre moi par le passé. En quoi cela changerait aujourd’hui ? dit le feralis, tout en arrachant la flèche de ses entrailles.
    - Nous avons une dette de sang et je te promets que je n’aurai de cesse que d’accomplir ma vengeance ! Tu as tué mon…
    - Oh assez ! Je connais ce refrain par cœur ! Cela commence à être usant, à force… De toute façon, que comptes-tu faire pour le venger ??? Me donner un coup d’aile dans le nez ? M’attaquer à coup de plumes ? dit-il en riant. Tu n’es rien Sally. Rien du tout. Tu n’es pas la vie que j’ai envie de prendre. Tu n’es même pas le sang que j’ai envie de boire. Tu n’es qu’un amas de colère et de souffrance. Et c’est ainsi que j’aime à te voir vivre. Savoir que tes tourments te détruisent à petit feu est un délice dont je ne tiens pas à me passer… Quant à toi, prince des hommes, je te laisse vivre aussi. Ne vas pas croire que c’est là de la pitié ou de la clémence. Comme toute créature importante de ce Royaume, je connais la prophétie. Si tu meures et si les archanges trouvent l’épée de Cléador, ce sera la fin de tout ce qui existe. « La guerre sera suivie du chaos, de l’apocalypse, puis du vide »… Je tiens trop à mon existence pour permettre cela.
    - Humpf et bien si tu nous relâchais, au lieu de nous assommer avec ton discours…
    - Déziel. Dragalion arrogant qui ferai bien de se taire, s’il ne veut pas que je révèle son terrible secret.
    - Je ne vois de quoi tu parles ! Humpf… Oh, si. Je comprends. Tu dis cela pour semer le doute et la zizanie !
    - Tttt… Ne prends pas ma patience à défaut. Je suis à deux griffes de tout dévoiler. Mais tu as raison, misérable dragalion. Le doute sera bien pire que mes révélations à ton sujet. Qu’on les laisse partir ! Dit-il, s’adressant aux autres feralis. Et dites au collectif, de ne pas toucher à un de leurs cheveux ou écaille ! Vous voyez, mes « amis », vous pourrez circuler à votre guise, de jour comme de nuit. Mais notre histoire ne s’arrête pas ici. Prince des hommes, si tu accomplie ta destinée, nous serons l’un pour l’autre des ennemis mortels. Nos routes se croiseront à nouveau, mais cette fois-ci, tu n’en reviendras pas.
    - S’il accomplit sa destinée, il sera ce héros dont la légende parle. Répondit Sally. Et ce héros aura plus de pouvoirs et ressources que tu ne peux l’imaginer… Et ce sera ta fin, Lerival !
    - C’est ce que tu crois, petite Sally. Mais je comprends mieux pourquoi tu as défié les tiens pour aider le prince. Ce n’est pas par altruisme, mais pur égoïsme. Le prince est l’instrument de ta vengeance, n’est-ce pas ? Le feralis se mit à rire à nouveau. Il replongea son regard dans le mien et me dit : ne me racontes pas que tu croyais en la « bonté » de Sally ?! Tu ne réponds pas, prince des hommes ? Ne me dis pas que tu crois que c’est de l’amour qui vous unit ? Ah ah ah… Oh! Comme c’est attendrissant ! Saches que cette douce illusion te perdra. Et je serai aux premières loges pour assister à ta chute ! Et quand tu n’auras plus aucun espoir, tu me supplieras de prendre ta vie…
    - Déziel à raison ! Vous n’êtes qu’un vil manipulateur !
    - Oui, mais de nous, je ne suis pas le pire… Lerival déploya à nouveau ses ailes de chauve-souris, et s’adressa à sa meute. Il est temps de partir, nous avons pris suffisamment d’âmes et de sang ce soir !
    Alors que le groupe de feralis s’éloignait, je soupirai de soulagement. Je pris Sally dans mes bras. Sa colère se changea en larmes…
    - Oh... Mon prince, je hais cette créature. Il a causé tant de souffrance, tant de mal…
    - Je vous crois Sally. Je vous crois…
    - Humpf… Sally a d’excellentes raisons de haïr les feralis. Et en particulier Lerival.
    - C’est vrai Sally. Vous avez parlé d’une dette de sang… J’ai confiance en vous. Il est temps de me retournez la faveur. Racontez-moi tout !
    - Très bien… Aussi vrai que les anges sont des enfants du ciel, les feralis sont les rejetons de la terre. Ils vivent dans les entrailles les plus sombres de notre Royaume… Nous sommes à la lumière ce que ces prédateurs sont aux ténèbres. Ils sont sans pitié et se nourrissent de nos vies, mais aussi de nos âmes. Pour une raison que nous ignorons, ils ne peuvent pénétrer dans nos maisons. Quelles soient de bois ou de pierre, immenses ou humbles… Dès le plus jeune âge, notre mère nous enseignait les rudiments de survie : sortir de jour, ne jamais s’éloigner d’une habitation, en particulier en fin de journée. Enfants, nous avions tous entendu des histoires terrifiantes sur les feralis. Fascinée et curieuse, il m’arrivait de les observer par la lucarne de ma chambre C’était une sorte d’attraction malsaine que je partageais avec mon frère. Notre mère nous mettait en garde, pourtant… Nous ne l’écoutions pas. Nous n’en faisions qu’à notre tête à cette époque, jusqu’au jour où mon frère a…
    Ce n’était pas la première fois que Sally me parlait de son frère avec un sanglot dans la voix. La détresse et la souffrance qui se lisaient dans son regard m’amenaient à imaginer le pire… L’ange vêtu de blanc, ne portait-elle pas en son cœur, un deuil inachevé ?
    Excusez-moi, prince. C’est bien trop dur. J’ai encore besoin de temps. Depuis qu’il est mort, je… Sally se mit à pleurer de chaudes larmes. A ma surprise, elles scintillaient comme une coulée de diamant liquide. Même lorsqu’elle pleurait Sally était de toute beauté. Elle se blottit alors dans mes bras.
    - Oh Sally… Je ne sais quels mots vous dire, pour soulager votre peine. Mais je crains que rien ne puisse alléger la perte d’un être aimé. Alors, je veux juste que vous sachiez que je suis là, pour vous. Je ne vous quitterai pas, aussi longtemps que je vivrai. Je vous le promets. Je serai toujours là…
    - Humpf… Nous voilà rassurés, dit le dragalion, toujours aussi cynique. Mais que faire maintenant ?
    - Pourquoi ne pas nous laisser en paix quelques minutes ? Ne vois-tu pas que Sally a de la peine ?
    - Il a raison mon prince. Nous devons agir ! Si je me laisse aller aux larmes encore un peu, je n’arriverai pas à me relever…
    - Je propose qu’on s’organise un peu. D’abord, à défaut de savoir où aller, il faut déjà s’armer ! Ramassons le maximum de flèches. Humpf… Sally, tu vas devoir apprendre à t’en servir. Ensuite, nous allons faire un feu, analyser la situation et nous reposer un peu. Nous rependrons la marche demain.
    Aussi vrai que le dragalion pouvait être parfois très antipathique, je lui reconnaissais pour qualité, son pragmatisme et son bon sens. Cela me rassurait un peu. D’un côté, Sally m’apportait un soutien émotionnel, qui j’espère était réciproque. De l’autre, Déziel m’apportait un soutien stratégique non négligeable.
    - A propos d’armes Déziel, pour quelle raison tu ne peux cracher des flammes qu’une fois par jour ??
    - Humpf… Notre espèce sécrète une substance qui est stockée dans nos flancs. C’est une sorte de carburant. Même si nous ressemblons à des dragons, les dragalions sont bien plus petits. Notre stock est donc en proportion ! J’ai épuisé tout ce que j’avais contre l’Archange. Il me faudra des heures pour faire le plein. Humpf… J’allais oublier de préciser un autre point de différence. Notre substance ne s’enflamme pas spontanément à l’air libre. Il nous faut un déclencheur ! Une flamme ou une étincelle.
    - C’est donc pour cela que tu t’es jeté sur la croix de pierre et que tu y as donné de grands coups de gueule, quand le premier archange nous a attaqué !!
    - Tu as tout compris, rétorqua le dragalion. Mais que fais-tu donc à terre?
    - Je cherche un silex. Rien ne nous dit qu’à l’avenir nous aurons une croix à portée de tes dents ! Même si les feralis ne représentent plus un danger pour nous, j’imagine qu’ils ne sont pas les seuls prédateurs de ce royaume et en cas extrême, tes flammes seront les bienvenues. A ce propos, les feralis me font vraiment penser à des vampires : ils sucent le sang, volent les âmes et ne peuvent pénétrer les foyers. Cela ne peut pas être une coïncidence ! D’ailleurs, comme eux, ils ne sortent pas le jour ! Pour quelle raison ? Ils se consument au soleil ?
    - « Sub consciae Deus, occlusa janua est interdiu ».
    A la surprise générale, la réponse ne vint ni de Sally, ni de Déziel. Un homme d’un certain âge se tenait fièrement, juste dernière nous. Je pris immédiatement l’arc et me positionna pour le tir.
    - Vous ne risquez pas de m’impressionner. Vous êtes un piètre tireur, me dit le vieil homme.
    - Qui êtes-vous ? Et ne bougez pas, je pourrai très bien réussir mon coup cette fois-ci !
    - Ah… La jeunesse. Toujours impatiente et présomptueuse. Aucun de vous ne m’a vu venir. Si je voulais vous faire du mal, vous seriez déjà mort…
    - Si ce n’est pas du mal, que voulez-vous de nous alors?
    - « Si vis pacem para bellum »
    - Mais encore ?
    - Cela signifie « Qui veut la paix prépare la guerre ». Et de toute évidence, vous n’êtes pas prêt. Sans un entraînement approprié, sans guide, vous ne ferez pas long feu.
    - Pourquoi devrions-nous vous croire ?
    - J’ai entraîné votre père, il y a des années de cela… et cela lui a réussi. Alors suivez-moi, si vous voulez vivre…






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